Une origine ancrée dans les sciences comportementales
Le concept de nudge, ou « coup de pouce » en français, a été popularisé en 2008 par Richard H. Thaler, économiste et prix Nobel, et Cass R. Sunstein, juriste et professeur à Harvard, dans leur ouvrage Nudge: Improving Decisions About Health, Wealth, and Happiness. Leur proposition repose sur une idée centrale : les individus ne prennent pas toujours des décisions rationnelles, même lorsqu’il s’agit de leur santé, de leur sécurité ou de leur bien-être. Ils sont influencés par des biais cognitifs, des routines, ou encore le contexte dans lequel les choix leur sont présentés.
Dans ce cadre, le nudge désigne une incitation douce, subtile, non coercitive, qui modifie l’architecture du choix (choice architecture) afin d’orienter les comportements vers des décisions plus favorables, sans restreindre la liberté individuelle. Contrairement à des réglementations contraignantes ou à des campagnes culpabilisantes, les nudges cherchent à faciliter le bon choix, plutôt qu’à imposer ou interdire.
Comment fonctionnent les nudges ?
Les nudges s’appuient sur des mécanismes psychologiques simples mais puissants, notamment :
- L’effet de cadrage (framing effect) : la manière dont une information est présentée influence la décision (par exemple, dire « 90 % de survie » plutôt que « 10 % de mortalité »).
- L’inertie ou le statu quo : par défaut, les individus tendent à ne pas changer un état de fait (d’où l’efficacité des options par défaut, comme l’inscription automatique au don d’organes).
- L’influence sociale : les individus sont influencés par ce que font les autres (ex. : « 80 % des habitants de votre quartier recyclent leurs déchets »).
- La saillance : attirer l’attention par des éléments visuels ou sensoriels inhabituels (comme des traces de pas menant à une poubelle).
- L’engagement : lorsqu’une personne prend un engagement explicite, elle est plus susceptible de le respecter.
Les nudges en action : des exemples concrets
Les nudges ont été largement adoptés dans le champ de la santé publique, de l’environnement, de la sécurité routière, ou encore de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Voici quelques exemples emblématiques :
- Nutrition : placer les fruits en hauteur dans une cantine et les aliments gras en bas d’étagère améliore la qualité des choix alimentaires sans interdire quoi que ce soit.
- Vaccination : envoyer un SMS rappelant un rendez-vous vaccinal et proposant une annulation explicite réduit les taux de non-présentation.
- Hygiène : dessiner une mouche au fond des urinoirs dans les aéroports incite les usagers à mieux viser, réduisant les frais de nettoyage de plus de 80 %.
- Dépistage : formuler une invitation au dépistage en mentionnant que la majorité des personnes de la tranche d’âge concernée y participent augmente les taux de réponse.
Une stratégie compatible avec le marketing social
Les nudges ne remplacent pas les approches classiques de prévention, mais les complètent utilement. Ils s’inscrivent dans une logique de comportementalisme bienveillant (libertarian paternalism), qui partage de nombreuses affinités avec le marketing social : agir sur les déterminants sociaux, psychologiques et contextuels des comportements, sans coercition.
À l’Institut du Marketing Social, nous considérons que les nudges doivent être :
- éthiques : transparents, non manipulateurs, respectueux de l’autonomie.
- évalués : fondés sur des données probantes, testés avant diffusion large.
- contextualisés : adaptés aux publics cibles et à leurs spécificités culturelles et sociales.
Limites et vigilance
Si les nudges sont prometteurs, ils ne sont pas une panacée. Leur effet peut être modeste ou de courte durée s’ils ne sont pas accompagnés d’autres leviers : éducation, accessibilité, incitations économiques, ou modification de l’environnement structurel.
De plus, tous les comportements ne se prêtent pas à des changements subtils. Par exemple, les comportements liés à des addictions, à des troubles mentaux ou à des inégalités sociales profondes exigent des réponses systémiques et pluridimensionnelles. C’est pourquoi les nudges doivent être considérés comme un complément stratégique et non comme une substitution aux politiques publiques classiques.
Pour aller plus loin
La recherche en sciences comportementales continue d’explorer les conditions d’efficacité des nudges, notamment dans des contextes complexes comme la gestion des maladies chroniques, la prévention en santé mentale, ou les changements de pratiques durables.
L’IMS s’engage à promouvoir des innovations comportementales éthiques, fondées sur des données probantes, au service d’un marketing social responsable. Dans nos formations, nos accompagnements et nos productions, nous intégrons les nudges comme une brique d’intervention possible, au croisement de la psychologie, de la santé publique, et de la communication.